Journal 7 De début mars 2025 à
25. Mardi 11 mars 2025
Les enregistrements sonores se poursuivent sur le terrain: d’une part les phrases venant des rencontres et entretiens avec les habitant·es mais aussi des extraits du poème Les Géorgiques de Virgile, à partir de la nouvelle traduction faite par Frédéric Boyer dans Le Souci de la Terre.
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Extraits des Géorgiques de Virgile, Mars 2025 |
Dans l’après-midi des étudiants de l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Paris La Villette sont venus dans le cadre de leur séminaire de Master 1 “Territoires de l’écologie politique”. Plusieurs habitantes – participantes se sont organisées pour pouvoir être là et participer aux échanges.
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Rencontre avec les étudiant·es de l'ENSAP La Vilette, mardi 11 mars 2025 |
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Rencontre au jardin avec les habitantes, 11 mars 2025 |
26. Semaine du 17 mars 2025
Le printemps est enfin de retour, les parcelles du jardin mandala reprennent vie.
Cette année les abords du mandala vont être également utilisés avec des nouveaux participants.
Pour cela Robert a préparé une aquarelle.
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Proposition pour les abords du mandala, aquarelle, Mars 2025 |
Le dialogue avec Robert se poursuit ici par deux nouvelles questions
Delphine: Tu viens de terminer une aquarelle du jardin mandala et de ses abords. Tu glisses souvent une aquarelle au cœur de tes œuvres, elle prend presque des airs-imposteurs, car elle surgit tout à coup dans des projets où a priori elle n'aurait pas sa place. Ici il y a le jardin, des actions des habitant·es, des piquets, des photographies, des éléments sonores qui structurent avec récurrence Allo la Terre ? Ici Cosmos ! Et tout à coup il y a cette aquarelle qui apparaît ?
Robert: Pour la seconde année de mise en place du Mandala de Gagarine, j’avais à régler le problème des abords de ce dernier. Je devais donc dessiner une proposition pour que les participant.es au jardin puissent s’en emparer et intervenir.
Cette aquarelle vient jouer comme un «statement» selon l’œuvre de l’artiste Laurence Weiner soit une déclaration d’artiste, une invitation à agir.
J’ai proposé des rangées de fleurs montantes, rectilignes, venant comme rythmer les abords du cercle-mandala. J’ai suggéré par exemple de planter là des dahlias, des pois de senteurs…
L’aquarelle me permet une approche sensible du projet. Je la travaille longtemps de manière presque iconoclaste, en plusieurs couches, un peu comme je le ferai avec de la peinture à l’huile ce qui est peu approprié.
Je peux dire qu’à ma façon je « laboure » par la couleur et les dégradés, cette matière de la terre. Je pourrais réaliser la représentation de la terre d’un seul geste. Et du coup l’étendue colorée correspondrait mieux à la caractéristique de ce medium translucide, fin et diaphane qu’est l’aquarelle. C’est généralement comme cela que l’on procède. Pourtant je préfère fouiller dans la matière de l’eau et des pigments pour suggérer la profondeur de la terre, ses mottes, ses creux, ses bosses. Cela est à mettre en relation avec l’œuvre sonore que je prépare sur la manière dont les femmes participantes se représentent la terre du point de vue matériel, symbolique et imaginaire. Je réalise cette œuvre sonore par un dialogue avec Virgile.
Delphine: Le langage est souvent au cœur de tes œuvres. Tu aimes prendre des notes dans tes carnets, tu y inscris des bribes de phrases prononcées par des gens devant toi. Ici à Gagarine tu as mené des entretiens sur la Terre, avec les participantes que tu as enregistrées de manière spontanée dans un premier temps. Puis tu les as retranscrits avant d'en extraire quelques phrases. Cette fois-ci tu mêles à ces phrases de la vie ordinaire des extraits des Géorgiques de Virgile.
Pourquoi décides-tu, pour la première fois, de mêler des phrases du langage courant à des extraits d'un texte de l'un des plus grands poètes de l’Antiquité romaine ?
Robert: La première raison c’est que je ressens parfois que bien des gens portent en eux de la poésie sans même le vouloir et sans forcément le savoir.
Dans certains moments, leur sensibilité au monde est telle que les mots leur viennent sans les avoir cherchés. Mon travail consiste à tenter de les saisir avec ce filet à papillons qu’est aussi mon microphone.
La deuxième raison c’est que je suis tombé par hasard sur un livre extraordinaire : « Le souci de la terre » de Frédéric Boyer. C’est une nouvelle traduction des Géorgiques de Virgile qui fait totalement écho aux interrogations et anxiétés contemporaines. Ce livre est une sorte de vade-mecum à destination du paysan-jardinier de l’an 30 avant Jésus-Christ. C’est un poème étrange, écrit sous la forme de conseils pratiques au paysan. Cela vient interroger nos rapports complexes à la terre dans sa matérialité, sa mystique, ses symboles. C’est très beau. Ce texte me permet de mettre en relief les pensées des personnes, avec qui je travaille la terre, dans le Mandala de Gagarine et autour.