JOURNAL 6 - 2 janv 2025 à fin février 2025

Janvier 2025

Voilà bientôt un an que la résidence artistique de Robert a commencé. Ici, sous la forme de deux questions, un premier point d’étape qui vient compléter le journal de bord tenu depuis le début.

 

Delphine Milin : Allo Terre ? Ici Cosmos est le titre d’une œuvre à laquelle tu travailles depuis près d’un an au cœur du quartier Gagarine à Ivry sur Seine. Il n’y a pas à proprement parler d’œuvre à regarder, à contourner même s’il y a des éléments matériels présents comme le jardin et les piquets. Pour les habitants ou les passants il n’y pas non plus d’écriteau expliquant, par exemple, devant le jardin de quoi il s’agit.

Où se situe l’œuvre exactement : dans le jardin ? Les piquets ? Le temps ? L’action ?

Robert Milin : Je pense qu’il y a tout de même une forme- Mandala qui fait 8 m de diamètre. Elle est close par un détourage en bois, des iris autour et aussi un petit portail jamais fermé à clé. Il y a également un léger grillage destiné à empêcher les chiens errants d’entrer. Il sert occasionnellement d’appui aux plantes grimpantes qui poussent contre lui. Je ne cherche jamais dans mon travail à frapper un grand coup pour que tout le monde soit ébahi et fasse « Oh, ah, c’est fou ! Etc. » Je n’éprouve pas le besoin d’aller chercher pour mon art ce genre de formes, même si je sais qu’elles feraient immédiatement le buzz.  Je veux produire plutôt de légers décalages, presque imperceptibles aux yeux des passant.es distrait.es ou pris dans leurs routines quotidiennes. Car mon travail se situe souvent dans l’ordinaire du domaine public : rues, quartiers périphériques, façades d’immeubles ordinaires, trottoirs… Eric Chauvier écrivain et anthropologue a écrit ceci sur mon travail, il y a quelques années : « La constante des œuvres de Robert Milin consiste à ‘‘étrangéiser’’ ce que nous ne voyons plus dans la routine de la vie sociale. » Je ne saurais mieux dire.

Du coup la question de mettre un écriteau ne se pose plus. Je laisse les gens qui passent être surpris, d’autant que je travaille aussi avec des habitant.es du quartier qui collaborent avec moi. Je suis l’auteur, mais les gens du quartier prennent leur place dans le travail effectué en commun. Je pense que le bouche à oreille peut en dire tout autant que l’écriteau.

L’œuvre se situe dans le fait que vient exister ici une forme-jardin insolite, une action d’habitant.es tout aussi inattendue.

Généralement les gens du quartier sont peu invités à prendre possession d’un espace public, plutôt perçu là pour faire un parking de voitures.

Les piquets-écriteaux viennent compléter le dispositif en arborant des paroles des gens sur la vie ici et leur désir de rapport renouvelé à la terre, au végétal, aux animaux. Le temps oui par l’évolution de la forme, selon les saisons, les initiatives, tout cela fait partie de l’œuvre.

Delphine Milin : Avec tes œuvres dans l’espace public des banlieues et aussi avec ton film Un Espace de l’Art tu as déjà réglé la question du sens de faire de l’art dans des quartiers où d’autres préoccupations pourraient sembler plus essentielles. En venant ici pendant trois ans tu réaffirmes ta position à cet égard. Le Jardin au mandala au milieu de ce chantier et de la densité de l’habitat pourrait avoir l’air dérisoire et pourtant il a réussi à créer une rupture par sa seule présence depuis des mois. A l’image du sapin avec sa guirlande lumineuse cette présence concrète redéfinit le partage de l’espace public.

Est-ce que l’œuvre va continuer de se déployer sur le quartier et de quelle façon ?

Robert Milin :  Oui nous ne disposons que de trois ans pour réaliser cette action en commun, car cette œuvre que l’on peut nommer de diverses façons, est certainement aussi une action. Mais nous allons, durant cette deuxième année, planter des piquets surmontés d’écriteaux, dans divers nouveaux espaces végétalisés qui se dessinent déjà dans le quartier. Je voudrais trouver d’autres personnes pour aménager autour des ces écriteaux un mini-mandala de fleurs que chacun.e entretiendrait. Ce que je recherche c’est une présence, de la chaleur et de l’humanité dans ces espaces publics qui se redessinent dans la nouvelle ZAC Gagarine. Le plus souvent chaque espace est affecté à une fonction précise (habitat, parking, poubelles, piste cyclable…) mais le temps du chantier tout reste nécessairement en mouvement. Et certains espaces, pour un certain temps, sont vacants et disponibles donc à nos interventions. Avec le jardin mandala et les mots ou les images affichés sur les piquets ce sont des actes provisoires certes mais bien réels de reconquête de l’espace.

 

21. Vendredi 5 janvier 2025

Toutes les habitantes participant au Jardin au Mandala se retrouvent à la Galerie Fernand Léger pour partager une galette des rois. Quelques autres voisins ont été invités à venir aussi, ils participeront soit aux entretiens soit à entretenir la parcelle.

 
Présentation des premier éléments sonores, 5 janvier 2025
 
 
 
Rencontre autour d'une galette 1, 5 janvier 2025



Il s'agissait ici de se retrouver, de regarder les premiers éléments sonores montés par Robert et de se projeter dans cette nouvelle année.

 Rencontre autour d'une galette 2, 5 janvier 2025
 

Robert poursuit les entretiens et les enregistrements. De nouveaux piquets vont également être construits pour être installés au printemps.


22. Vendredi 24 janvier 2025

Stupeur des habitantes qui voient depuis leur fenêtre un engin détruire la parcelle travaillée depuis des mois, le Jardin reste intact mais la parcelle entière était mise à disposition avec déjà quelques plantations comme le figuier offert par un voisin.

 

Une mini-pelle détruit les abords du jardin, 24 janvier 2025

 

 

Destruction des abords du Mandala, 24 janvier 2025
 


Destruction des abords du Mandala, 24 janvier 2025


Après une rencontre avec les différents participants l'Epea Orsa s'est engagé à remettre la parcelle en état.

 

 

 

23. Début février 2025


La terre est au repos, la parcelle attend d’être remise en ordre après les destructions faites par les buldozers du chantier de la ZAC.  Les responsables ont réparé en partie le dommage mais nous attendons une meilleure finalisation pour tasser la terre en périphérie du mandala. 

Pour nous il importe également de  tracer de nouvelles perspectives pour cette nouvelle année, 2025, aussi une réunion sera organisée un samedi en début avril pour discuter les différentes propositions :

1) La préparation d’une table ronde sur l'art, les processus de collaboration, tels que mis en oeuvre ici à Gagarine. Elle est prévue pour le samedi 4 octobre 2025 à la Galerie Fernand léger, mêlant habitant·es, participantes au mandala et professionnels de l'art contemporain. Voici par exemple deux questions suggérées:

-   A qui s’adresse l’art généralement ? Comment ne pas être surplombant vis-à-vis des habitant.es qui passent et s'interrogent sur le sens de l’art dans un tel contexte, tandis que eux-elles, réclament plus de parking ?

- Comment répondre à l’interrogation considérant que l’artiste serait instrumentalisé par les opérateurs de l’aménagement du quartier et deviendrait ici un animateur socio-culturel ? Ou à l’inverse vers quelles résistances et quelles transformations l’artiste et les particpant.es se sont-ils engagés ici ?

2) Les décisions à prendre sur l’utilisation des abords du mandala, sur l'installation de phrases et images sur écriteaux plantés dans la terre, selon un cheminement dans le quartier. Affirmation d'un effort à faire sur des graines bios et des plants provenant d'une agriculture bio, dans une logique de permaculture…

3) Parallèlement  le travail à une oeuvre sonore de Robert avance. Dans un premier temps il prend RV avec les participantes au téléphone. Il procède selon une série de questions dont il a écrit un extrait sur un carton figurant qui lui sert d'aide-mémoire.


Liste de questions pour mener les entretiens, hiver 2024-2025



Il enregistre la conversation avec l'accord de chacune puis il réécrit un texte sur la base des propos tenus. Ensuite il retourne à Ivry, sur le terrain, avec chacune pour un temps d'enregistrement plus professionnel in situ. Pour cela il utilise un carton-prompteur de sa fabrication dont chacune peut s'inspirer. 

 

Carton-prompteur, hiver 2024-2025
 


 

 

24. Mercredi 19 février 2025

Poursuite des entretiens, des enregistrements sur place autour de la question de la terre, du vivant mais aussi de la mémoire du quartier.

Le système de contre-collage des images sur les piquets n’a pas résisté à l’hiver, un nouveau système sera mis en place au printemps. On réalisera une plantation de 20 textes et images sur écriteaux, plantés en terre selon un cheminement. Le système sera un contre-collage à chaud du texte / image dans le bois de l'écriteau lui-même fixé sur un piquet en terre. 


Proposition pour un cheminement des piquets à travers le quartier Gagarine, février 2025

 


 

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